Paul Valéry
Toute politique se fonde sur l’indifférence de la plupart des intéressés, sans laquelle il n’y a point de politique possible.
Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais
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La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
À une époque suivante, on y adjoignit l’art de contraindre les gens à décider sur ce qu’ils n’entendent pas.
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Supposez quelquefois que l’on vous remette le pouvoir sans réserves. Vous êtes honnête homme, et votre ferme propos est de faire de votre mieux. Votre tête est solide ; votre esprit peut contempler distinctement les choses, se les représenter dans leurs rapports ; et enfin, vous êtes détaché de vous-même, vous êtes placé dans une situation si élevée et si puissamment intéressante que les propres intérêts de votre personne en sont nuls ou insipides au prix de ce qui est devant vous et du possible qui est à vous. Même, vous n’êtes pas troublé par ce qui troublerait tout autre, par l’idée de l’attente qui est dans tous, et vous n’êtes intimidé ni accablé par l’espoir que l’on met en vous.
Eh bien ! Qu’allez-vous faire ? Qu’allez-vous faire AUJOURD’HUI ?
Bien que dénuées de forme systématique et, à l’origine, dispersées dans des articles, préfaces, conférences, tout aussi bien que dans ses Cahiers, les méditations de Paul Valéry concernant l’histoire et la politique n’en présentent pas moins un intérêt et une actualité considérables. Ses analyses sur l’Europe, la liberté, le pouvoir ou les conséquences du progrès ; sa prise en compte des réalités géographiques, sa conscience aiguë de ce que l’on désigne aujourd’hui par « globalisation » ; son appréciation du rôle des mythes, de la fiducia, dans l’économie générale de la culture : tout invite à faire de cette œuvre éparse,
– rapport de diagnostic terriblement perspicace sur ce mal chronique et incurable qu’est notre condition politique, – un miroir dans lequel notre époque gagnerait à (re)plonger ses regards.
En leur temps, des esprits aussi divers que Jean Monnet, Fernand Braudel ou Charles de Gaulle ne s’y trompèrent d’ailleurs pas : les obsèques nationales ordonnées par le Général, les premières pour un écrivain depuis Victor Hugo, attestent combien l’homme du 18 juin ne s’était pas arrêté au poète Valéry, combien sa vision politique s’était nourrie, entre autres, de ses Regards sur le monde actuel.
C’est sous cet intitulé, en effet, que Valéry fit paraître, en 1931, un ensemble d’écrits sur ces thèmes, composés entre 1927 et 1931. De son vivant, ce recueil connaîtra deux rééditions, en 1938 et 1945, à l’occasion desquelles d’« autres essais » – datant pour la plupart des années trente – seront ajoutés ; certains seront retranchés pour la sélection parue en 1945.
Le présent ouvrage comprend tous les textes ayant paru dans l’une au moins de ces trois éditions. À côté de l’intitulé de chacun d’entre eux, nous avons fait figurer son année de parution originelle ou de rédaction supposée, avec un éventuel écart de date lorsqu’il a été notablement remanié entre plusieurs parutions.
Édition annotée par Philippe Renaud
ISBN 978-2-9574048-1-0 (version imprimée) Juin 2021 155 x 220 mm 292 pages 7,95 € ISBN 978-2-9574048-8-9 (version numérique) ASIN B0CPFQVLLR (Kindle)